Montreuil, le 10 avril 2020
Monsieur Jean-Michel BLANQUER
Ministre de l’Éducation nationale
Monsieur le Ministre,
Depuis le début de la période de confinement, nous avons été interpellés par de nombreux·euses collègues de différentes académies qui ont vu leurs classes virtuelles être infiltrées et ce, via des plateformes recommandées par l’Éducation nationale.
Ces infiltrations s’illustrent de différentes manières : musique pendant le cours, insultes ou obscénités proférées, bruits intempestifs. Ces cours infiltrés sont parfois filmés et les vidéos sont alors postées sur les réseaux sociaux en dehors de tout respect de l’anonymat, certaines vidéos laissant apparaître le nom des collègues.
Suite à différentes plaintes déposées, certaines vidéos ont été retirées mais la plupart d’entre elles demeurent et le phénomène prend de l’ampleur.
Quoi que nous pensions de l’utilité pédagogique réelle de ce mode d’enseignement à distance, Il est inadmissible que des élèves, qui s’y investissent fortement, soient géné·es ainsi dans leur cours virtuel, que des collègues soient tourné·es en ridicule dans des vidéos qui circulent sur les réseaux sociaux. C’est une atteinte pure et simple à leur dignité, en particulier pour les enseignantes qui semblent particulièrement visées par les insultes à caractère sexiste.
Dans cette période où le maintien d’un lien avec les apprentissages demande un effort à toutes et tous, il n’est pas normal de subir ce genre d’attaque voire de préjudice moral.
Le maintien de ce lien avec l’apprentissage, que vous mettez en avant sous le vocable de continuité pédagogique – formulation que nous ne partageons pas comme vous le savez – doit pouvoir se dérouler dans des conditions optimales et assurer aux enseignants et enseignantes une protection totale, alors qu’ils·elles sont le plus souvent dans une démarche volontaire.
Par conséquent, nous vous demandons, Monsieur le ministre, de bien vouloir réagir au plus vite et d’apporter une solution qui permettra, ainsi, aux agent·es d’exercer leur métier dans le respect de leur intégrité.
Plus globalement, l’enseignement à distance adossée à la fracture numérique renforce considérablement les inégalités sociales et, à travers ce genre d’incidents, prouve encore davantage ses limites. Pour notre organisation, l’expérience généralisée de cet enseignement à distance de masse que nous impose cette crise sanitaire démontre qu’il ne peut représenter l’avenir dans l’Éducation nationale.
Il met enfin en lumière, notamment à travers l’objet de ce courrier, les problèmes de sécurité informatique que pose l’utilisation de plus en plus intensive du numérique dans la pratique quotidienne de votre ministère. La CGT Éduc’action alertait déjà vos prédécesseurs sur ce sujet et nous espérons que la crise actuelle permettra enfin d’engager une réflexion avec les organisations syndicales et les personnels sur cette problématique.
En restant à votre disposition pour tout échange et dans l’attente de votre réponse, soyez assuré, Monsieur le Ministre, de notre attachement au service public d’éducation.