Un bilan catastrophique
La première année de la mise en place de la transformation de la voie professionnelle est en échec ainsi que nous l’avions annoncé ! La baisse drastique des heures proprement disciplinaires, la mise en place de nouveaux dispositifs utilitaristes (co-intervention et chef- d’œuvre), et l’apparition des secondes familles de métiers, ont déstructuré les enseignements dans cette voie.
La crise sanitaire a mis en exergue ces attaques contre les contenus de formation et la spécialisation professionnelle. La fracture numérique corollaire des inégalités sociales a touché de plein fouet les élèves de la voie professionnelle. Suivant les filières et les disciplines, le chiffre des «décrocheur·euses» a pu aller jusqu’à 90%.
Une circulaire de rentrée indigente !
Dès la fin juin, la CGT, avec l’intersyndicale nationale, avait alerté sur la nécessité d’un plan d’urgence pour faire face à ce bilan et à la crise économique qui percute l’apprentissage. La situation sanitaire de cette rentrée confirme la légitimité de nos revendications.
La circulaire de rentrée, publiée le 10 juillet, n’est pas adaptée au contexte. Sur le plan sanitaire, l’improvisation reste de mise, le ministère n’envisageant que le retour à la normale dans le cadre d’un protocole sanitaire très allégé et un «plan de continuité pédagogique», caractérisé par la volonté «de consolider et d’étendre les environnements numériques de travail ».
Sur le plan pédagogique, après l’opération de communication des «vacances apprenantes» qui se poursuivra aux vacances d’automne et de printemps, c’est toujours la même ritournelle : il faut évaluer les élèves (tests de positionnement en début de 2° et en 1° CAP, pour les autres niveaux des outils de positionnement seront mis à disposition) et proposer des remédiations individualisées grâce aux heures d’accompagnement personnalisé «augmenté, au moins jusqu’au mois de décembre». Cette individualisation à outrance ne permettra pas aux élèves de rattraper les écarts d’apprentissage, sans compter qu’elle représente une charge de travail considérable pour les enseignants·es, avec une logique d’annualisation.
La proposition de faire partir des élèves en PFMP dès le 7 septembre est irréaliste. De plus, penser que «renouer avec la pratique dans un cadre professionnel» ne passe que par les PFMP et l’entreprise témoigne du mépris du ministre pour les enseignant·es de professionnel. Par ailleurs, rien n’est prévu pour faire face aux « éventuelles difficultés économiques de la rentrée » à part de « porter une attention particulière à l’accompagnement des élèves dans la recherche de stages et de contrats d’apprentissage pour les apprenti·es ».
Le ministre ne change pas de cap, il est indispensable de se mobiliser rapidement pour obtenir de réels moyens et une autre politique !
Un plan d’urgence pour la voie professionnelle
La formation professionnelle initiale ne peut pas être tournée uniquement vers l’insertion professionnelle immédiate. Elle doit offrir, à égalité avec les autres voies, des possibilités de poursuites d’études !
Plutôt qu’un énième plan de relance de l’apprentissage de plus d’un milliard d’euros, la CGT Éduc’action revendique un plan d’urgence pour la voie professionnelle. Il faut restituer au service public les moyens supprimés par des années d’austérité pour lui permettre d’accueillir sous statut scolaire tou·tes les jeunes en demande d’une formation diplômante (notamment les apprenti·es qui seront en mal de contrat dès septembre) et de garantir leur réussite ainsi que des conditions de travail satisfaisantes.
Cela implique aussi :
- L’abandon de la co-intervention et le retour des enseignements disciplinaires. Les moyens existent (1h élève=2h prof).
- La suppression du chef d’œuvre dont la première session est déjà lourdement compromise. C’est 6h en 1° et Terminale CAP, 2h en 1° Bac Pro !
- L’annulation des familles de métiers en 2nde. Comment des équipes pédagogiques qui n’ont pu se réunir, privées de référentiels , seront-elles en capacité de les mettre en place ?
- Des moyens pour dédoubler, notamment en 3 PM et Term. L’utilisation des heures d’AP pour l’enseignement disciplinaire. L’orientation doit rester l’apanage des PsyEN dont c’est le métier !
- La titularisation immédiate sans conditions de concours et de nationalité de tou·tes les contractuel·les !
- Un seuil maximal de 20 élèves par classe en Bac pro et 12 en CAP.
- L’intégration des lycées dans l’Éducation Prioritaire.
Agir dans son établissement dès la rentrée
La spécificité de cette rentrée aura des conséquences sur l’organisation pédagogique et les emplois du temps.
Il est donc impératif, dès la rentrée, d’interpeller les chef·fes d’établissement pour qu’ils·elles organisent le plus rapidement possible un conseil pédagogique, puis un conseil d’administration extraordinaire qui permettent de discuter des conditions de rentrée et des aménagements indispensables pour répondre aux conséquences du confinement.
Le conseil pédagogique (art. R421-41-5) se réunit au moins trois fois par an et en tant que de besoin à l’initiative de son·sa président·e ou à la demande de la majorité de ses membres.
Le conseil d’administration peut se réunir en séance extraordinaire sur ordre du jour déterminé (art. R421-25) à la demande […] du·de la chef·fe d’établissement, ou de la moitié des membres du CA.
En effet, il semble inconcevable que l’augmentation et la répartition des heures supplémentaires consacrées à l’accompagnement personnalisé comme actée dans la circulaire de rentrée ne fasse pas l’objet d’une discussion collective. De plus, il est possible de récupérer des moyens confisqués par la «Transformation de la Voie Professionnelle» : les heures de chef-d’œuvre ainsi que les heures de co-intervention peuvent-être récupérées pour faire de l’enseignement disciplinaire.
Enfin, dans la situation sanitaire actuelle, il semblerait opportun d’anticiper une organisation du temps scolaire différente de celle qui découle de l’application stricte de cette réforme.
Nous devons dans nos établissements combattre cette réforme du tri social et d’une École au service de l’économie.
Pour contraindre ce gouvernement à d’autres choix !
La crise sanitaire a démontré combien les services publics et la Fonction publique sont essentiels notamment pour garantir à toutes et tous l’accès aux droits sociaux et aux soins. Rappelons au président de la République son discours du 13 avril dernier : « les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune, notre pays tient tout entier sur des femmes et des hommes que nos économies reconnaissent et rémunèrent si mal ». Et en effet, dix ans de gel du point d’indice, ce n’est ni tolérable ni juste. Une des urgences est bien la revalorisation conséquente des salaires et des carrières !
Contre l’avis de la majorité de la population, le gouvernement semble résolu à rouvrir le dossier des retraites. Pourtant, la période montre combien notre système de protection sociale est utile et qu’il est important que le système de retraite soit stable et solide, afin d’assurer un niveau de pension qui ne dépende pas de la conjoncture économique. La CGT le réaffirme : pour sortir de la crise économique consécutive à la crise sanitaire, la priorité c’est l’emploi et, spécifiquement, celui des jeunes.
Mobilisons-nous le 17 septembre !