Billet d’humeur

Dans son discours du 14 juin, Macron s’est livré à un exercice d’auto-congratulation s’associant sans vergogne au bonheur que devait procurer cette première victoire contre le virus. C’est vite oublier les vives critiques qui atteignent même le conseil scientifique coupable d’avoir traité cette épidémie comme s’il s’agissait d’une pathologie à long terme au lieu d’avoir pris des mesures immédiates pour sauver des vies…

Bref, Macron annonce, pris d’une manie récurrente qui consiste à penser qu’il suffit de dire pour que cela devienne réel et possible, que l’école redevenait obligatoire au 22 juin et que tout le monde était donc prié d’en retrouver le chemin. Tout en reconnaissant que la lutte contre l’épidémie n’était pas terminée…

Bien évidemment, résoudre cette énième contradiction a dû donner du fil à retordre aux hauts fonctionnaires de l’Éducation nationale qui avaient en plus à respecter l’obligation du 1 mètre latéral de sécurité sorti par Blanquer…En témoigne une sortie de ce nouveau cru retardée du mardi au mercredi soir…Puis un discours de Blanquer, quelques temps après,  annonçant qu’il y aura encore des changements à paraitre dans un décret. 

Si on lit ce qui est paru, c’est-à-dire un guide à destination des écoles et des collèges, on ne peut que rester interloqué ! Quelle est donc cette logique à la Blanquer ? 

La distanciation physique est abolie entre élèves d’une même classe à l’école maternelle mais elle demeure entre élèves de groupes différents. En clair, il est permis de se contaminer dans la même classe mais mieux vaut s’abstenir avec une classe voisine…Quid de la gestion des temps de récréation ? Va-t-il falloir que l’on trace des cercles dans la cour, un par groupe et qu’on interdise de les franchir ? Que l’on envisage des rentrées et des sorties en classe échelonnées ? 

Pour les collèges, la même problématique ressort. Mais là aussi, la solution miracle existe : la classe à l’air libre ! Après avoir vanté les nouvelles technologies ayant présidé à la continuité pédagogique pendant le confinement, puis avoir avoué par la voix des autorités que le déconfinement servait avant tout à la garderie, les considérations pédagogiques étant secondaires, voilà le retour à une classe saine où il fait bon découvrir la nature, abandonner les espaces clos, renouer avec la simplicité. Et ce, par tous les temps, s’entend…Avec un relent de nostalgie des années 1880…

Tout est mobilisé pour que la parole présidentielle devienne réalité : utiliser tous les locaux possibles et imaginables jusqu’au moindre recoin ou cagibi, pousser les murs s’il le faut. Vous ne pouvez pas faire cours sans matériel ou support pédagogique ? Faites de l’étude, des activités 2S2C. Vous savez, la nouvelle marotte du ministère ! Bref, il faut se débrouiller pour que ça passe ! 

Quoi ? On n’y arrive pas ? L’idée fait donc son chemin d’abandonner cette idée farfelue de 1 mètre latéral…De toute façon, les masques grand public ne sont pas vraiment protecteurs…Et on sait que le virus peut se transmettre jusqu’à 4 mètres selon certaines études…Bas les masques….La plus grande distance possible suffira ! Quoi ? Ce n’est pas assez précis ? Si, la plus grande distance possible, c’est…c’est…réglementaire et pris en charge bien évidemment par le ministère en cas de contagion avérée. 

Aller nous laver les mains à l’arrivée, avant et après chaque repas, avant et après les récréations, après être allés aux toilettes…30 secondes à chaque fois bien évidemment. Cela fait minimum 11 lavages, soit un cumul de 3h pour une classe de 30 élèves…? Évidemment, cela est difficilement envisageable ! Eh bien, peut-être faut-il aussi abandonner cela ! 

Nous sommes vraiment trop sceptiques…Nous devrions nous estimer heureux d’apprendre qu’un masque au repos doit être plutôt plié dans sa pochette plastique que roulé. Il va sans dire qu’une de nos tâches pédagogiques va consister à faire le distinguo et à guider l’élève dans l’appréciation de cette différence fondamentale…

Aux questions, toujours des réponses ! Y-aura-t-il assez de masques pour cette ruée d’élèves qui se prépare (assurément à cette époque de l’année !). Y aura-t-il assez de gel hydroalcoolique ? Y aura-t-il assez de personnel de vie scolaire pour éviter le brassage, maintenir la distanciation entre élèves de groupes différents ? (Cela saute aux yeux dans les grands établissements l’appartenance ou non à la même tribu !). Comment va se dérouler le service de restauration qui occupait déjà avec 40% des élèves une place de deux heures ? Faudra-t-il en sus du lavage des mains prévoir une plage de 3h voire plus pour le self ? La réponse est simple : peut-être plus de masques, de gel dans un prochain message…Tout en rappelant que le coronavirus n’est pas encore vaincu, mais si quand même un peu…

Ah…les moyens humains…Le Ministère a-t-il prévu pour le 22 juin un recrutement en masse du personnel d’entretien et de restauration ? Ce qu’ils avaient du mal à faire avec 40% des élèves, serait-il réalisable avec tous les élèves ? Le nettoyage des classes, des surfaces, des tables entre chaque service, des objets mutualisés…cela va décupler le nombre de tâches à faire et le temps passé…En lieu et place du recrutement, réduisons les tâches à effectuer et réduisons les risques quand cela convient ! 

Les chefs d’établissement qui sont censés garantir la sécurité et la santé de leurs personnels deviennent pour l’occasion des communicants : il leur appartient d’établir des plans de communication et d’informer clairement les familles de l’évolution des mesures prises…

Certains se réjouissent : on serait en train de remettre l’enfant au cour de l’école…Nous craignons fortement que ce soit plutôt placer les impératifs politiques et mégalomanes en lieu et place de la santé et la sécurité des enfants, des familles et des personnels…

La suite au prochain discours, au prochain revirement…

Claire
Enseignante
CGT Éduc'action Clermont-Ferrand