CSA Académique
24 mars 2023
DECLARATION LIMINAIRE DE LA CGT EDUC’ACTION
Macron nous impose son état de siège nous ne sommes pas en état de siéger.
Le 13 mars 2023, Denis Loubière, professeur de mathématiques au Lycée Monnet Mermoz et militant FSU, en grève reconductible depuis une quinzaine de jours, a fait l’objet d’une sanction de votre part, Monsieur le recteur.
Les faits sont les suivants.
Le 19 janvier, premier jour de la mobilisation contre le projet de réforme des retraites, il avait informé par voix numérique ses élèves de son absence et, à cette occasion, avait glissé en pièce jointe, une caricature de l’artiste Guillaume Lanneau dont l’objet était, comme vous pouvez le constater, la pratique du mensonge en politique et la défense des services publics.
Pour son chef d’établissement, la communication de cette caricature est un acte de prosélytisme, qui l’a amené à saisir immédiatement l’autorité rectorale, sans en informer le principal intéressé, et sans assumer lui-même la sanction. Joli cadeau de Monsieur le chef d’établissement du Lycée Monnet Mermoz au rectorat : incapable d’assumer son propre pouvoir de sanction attaché à son pouvoir de direction, le chef d’établissement vous a donc, Monsieur le Recteur, mandaté pour sanctionner vous-même un militant syndical en plein mouvement social.
Il prétend donc, sans en fournir la preuve, avoir été saisi par une mère d’élève le 6 mars 2023, laquelle aurait été choquée par cette caricature, déposée dans le cahier numérique de son enfant le 19 janvier 2023. Il dit aussi avoir réagi immédiatement, avec toute son équipe de direction, en vous alertant des faits le jour même. L’immédiateté de cette réaction atteste sans aucun doute l’extrême gravité pour lui de l’acte commis par notre collègue et camarade de lutte Denis Loubière.
Son appréciation demeure cependant un mystère. Questionné, lors d’une audience qu’il a accordée à Monsieur Loubière en début de semaine, sur la gravité qu’il attribue à ce fait, il s’est montré – ainsi que ses deux collègues de direction – tout à fait incapable de préciser les motifs de son jugement.
Malgré son incapacité à argumenter son sentiment de scandale, il faut insister cependant sur son extraordinaire réactivité en plein mouvement social, le 6 mars dernier.
Les dates sont importantes. Rappelons que le jeudi 9 mars 2023 le Lycée Monnet Mermoz a fait l’objet d’un piquet de grève particulièrement réussi. Denis Loubière est très clairement identifié comme représentant syndical : de là à penser que cette sanction, Monsieur le Recteur, est l’occasion pour le chef d’établissement de se payer un syndicaliste, il n’y a qu’un pas, que nous franchissons allègrement ou plutôt avec une grande tristesse, quand nous voyons à quel niveau de médiocrité et de bassesse morale sont tombées nos directions.
Votre sanction nous laisse soupçonner que nous sommes en présence d’un acte de discrimination syndicale commis à l’endroit de Monsieur Loubière. Il ne tient qu’à vous, Monsieur le Recteur de nous procurer la documentation que la direction locale ne nous a pas fournie : ainsi, le doute sera partiellement levé.
Partiellement seulement. Car il faut à présent s’étonner de la réactivité du chef d’établissement. Nous disions qu’elle avait été en l’espèce, extraordinaire. Au sens étymologique. Extra-ordinaire, c’est à dire au-delà de l’ordinaire.
L’ordinaire pour le pouvoir de direction au Lycée Monnet Mermoz, c’est plutôt la non réactivité ou bien une réactivité dont la lenteur est devenue le style propre du chef d’établissement. Donnons quelques exemples de ce style si particulier, tout en lenteur :
Au début de l’année scolaire un important dégât des eaux est intervenu dans l’établissement. Il est hautement probable que ce dégât des eaux s’est produit sur plusieurs semaines pendant le mois d’août. Le chef d’établissement en a découvert les conséquences fin août. Les dégâts ont été considérables, et des collègues ont dû travailler dans des salles insalubres pendant des semaines. L’une d’entre eux accomplissait l’intégralité de son service dans une salle particulièrement touchée. Elle a immédiatement informé le chef d’établissement des conditions de travail déplorables qui lui étaient faites ainsi qu’à ses élèves. Aucune réaction pendant trois semaines, jusqu’à ce qu’elle remplisse le Registre de santé et sécurité au travail pour consigner les doutes de son médecin généraliste quant à la survenue d’une infection potentiellement liée à la fréquentation de cette salle. Là, enfin, le chef d’établissement, a donné ordre de changer deux tables gorgées d’eau et attaquées par la moisissure. Tout ceci est documenté, un rapport d’enquête sera bientôt soumis à la FSSSCT.
Remontons un peu le temps. Des accidents de services, comme vous le savez Monsieur le Recteur, ont été reconnus par le Rectorat dans l’établissement. C’est un peu une tradition au Lycée Monnet Mermoz. Pour autant, malgré cette récurrence accidentogène,(Interruption de la déclaration par le secrétaire général de l’académie :” je en vais pas laisser faire ici le procès d’un chef d’établissement !…”) le chef d’établissement ne respecte pas ses obligations en matière de santé au travail : il ne convoque pas réglementairement la CHS de l’établissement ; il ne nomme aucun assistant de prévention depuis des années ; le document unique d’évaluation du risque professionnel n’a pas été actualisé depuis 2015, les droits d’alerte déposés dans le Registre des dangers graves et imminents par les mandatés CHSCT, et notamment Monsieur Denis Loubière, ne sont pas suivis des enquêtes réglementaires.
Monsieur le Chef d’établissement du Lycée Monnet Mermoz a donc une réactivité proche du néant lorsqu’il s’agit des problèmes de santé au travail qui se posent, de manière incontestable dans son établissement.
Mais il y plus grave encore.
Récipiendaire de deux déclarations d’accident de travail concernant deux personnels AED en 2021, le chef d’établissement n’en a fait remonter qu’une seule au rectorat, et ce, un an plus tard. Quant à l’autre, elle n’est jamais parvenue au rectorat. Tout ceci est rigoureusement documenté.
Je passe sur les actes commis dans l’établissement sur un agent administratif à plusieurs reprises, actes sur lesquels pèse une forte présomption de harcèlement. Aucune réaction du chef d’établissement à cet égard.
Il ressort de tout ceci que la réactivité dont Monsieur le chef d’établissement du Lycée Monnet Mermoz a fait preuve en ce qui concerne Monsieur Loubière est vraiment extra-ordinaire, quand on la compare à sa réactivité nulle ou proche de zéro lorsqu’il s’agit de la santé au travail des agents placés sous son autorité.
Sa réactivité est donc sélective.
Ce qui est grave, et appelle une réaction immédiate pour le chef d’établissement de Monnet Mermoz, ça n’est pas la préservation de la santé des agents, mais la transmission par l’un d’entre eux d’une caricature dont le thème est le mensonge politique, et l’attachement aux services publics.
En quoi la transmission de cette caricature constitue-t-elle un manquement à l’obligation de neutralité ?
Aucun règlement n’interdit l’usage des caricatures auprès des élèves. Bien au contraire, les programmes scolaires y invitent, en particulier depuis les attentats de 2015 et l’assassinat des caricaturistes de Charlie Hebdo, Cabu, Charb, Honoré, Tignous et Wolinski. Tout enseignant peut utiliser en classe leurs caricatures. Nul n’oserait le contester. Il faudrait pour cela piétiner leur mémoire, et, avec elle, celle de Samuel Paty. Mais manifestement le caricaturiste Guillaume Lanneau ne fait pas partie de la liste officielle des caricaturistes qu’un enseignant peut utiliser auprès de ses élèves.
La publication de cette caricature sur le cahier de texte numérique des élèves est un acte pédagogique. Nul ne peut le contester. Rien n’interdit à Monsieur Loubière d’entreprendre avec eux un travail pédagogique sur sa lecture. C’est son métier, comme c’est le nôtre : avant de délivrer des diplômes qui perdent au fil des années toute valeur, avant d’être des producteurs de notes destinées essentiellement à alimenter l’illusion d’une institution qui tient encore debout, nous sommes des enseignants, et notre rôle fondamental est l’émancipation intellectuelle, sociale et politique des élèves qui nous sont confiés. La caricature est un outil pédagogique légitime. En utilisant celle de Monsieur Lanneau, Denis Loubière a accompli son métier d’enseignant et a honoré les valeurs qui le fondent, comme il le fait depuis toujours, malgré les conditions de travail dégradées qui lui sont faites, comme à tous ses collègues enseignants ou administratifs.
La CGT Educ’action conteste la qualification de prosélytisme que vous avez appliquée, Monsieur le recteur, à cette transmission de la caricature de Guillaume Lanneau. Cette transmission est pleinement un acte pédagogique. La sanction de Monsieur Loubière crée un précédent dangereux, elle est un acte de censure de la liberté pédagogique de tous les enseignants de l’Académie. Elle est aussi un acte sur lequel pèse une très forte présomption de discrimination syndicale, et ce, tant que vous n’aurez pas fait la preuve du contraire. Sachez que l’intersyndicale du Cantal en lutte depuis des semaines contre ce que dénonce cette caricature, en l’occurence un pouvoir exécutif mensonger qui poursuit son travail de destruction des services publics en prétendant les sauver, manifeste tout son soutien à Denis Loubière. Elle est réunie en ce moment même dans les locaux de l’UD CGT du Cantal et elle se joint à nous pour exiger le retrait de votre décision de sanction prise contre Denis Loubière. Sachez aussi que la colère gronde au Lycée Monnet Mermoz et que, comme l’intersyndicale, les collègues de Monsieur Loubière, exigent ce retrait.
Le chef d’établissement du Lycée Monnet Mermoz a voulu faire un exemple et se payer, enfin, un des syndicalistes qui trouble depuis des années, sa sérénité de chef d’établissement en lui rappelant inlassablement les obligations attachées à son pouvoir de direction et auxquelles il a coutume de déroger. Il a voulu faire un exemple, mais il vient en réalité de créer une figure emblématique de notre lutte pour empêcher ce projet scélérat de réforme des retraites.
Monsieur le recteur, faites honneur à votre fonction, et retirez imméditament votre décision de sanction, ou bien apprêtez-vous à assumer les conséquences de son maintien.
Le maintien par le président et le gouvernement de la réforme des retraites qui vole deux années de vie à tous les travailleurs et travailleuses a engendré une riposte sans précédent. Hier, jeudi 23 mars 2023, plus de 3,5 millions de personnes ont manifesté dans tout le pays.
Mercredi 21 mars 2023 à 13h, le président nous a méprisé et piétiné l’illusion de dialogue social. Il a remis en cause notre légitimité.
Aucun argument n’est opposé aux justes revendications des manifestants en dehors de la force. Les violences policières contre la jeunesse mobilisée tous les soirs dans de nombreuses villes a franchi un cap cette semaine. Dans notre académie à Clermont Ferrand les manifestations nocturnes ont été très durement réprimées : matraquage, frappes au sol de manifestants, gazage…Plusieurs personnes ont été arrêtées et placées en garde à vue.
Notre jeunesse mérite mieux que le mépris et la violence.
Nous notons l’absence des forces de police, hier devant le lycée Paul Constant a Montluçon alors que les lycéens et lycéens en rassemblement pacifique ont été violenté par des individus racistes et homophobes.
Hier à Rouen, une camarade de la CGT educ’action, collègue Aesh, a eu le pouce arraché par une grenade tirée par la police. Cette violence est intolérable et vous , Monsieur le Recteur, en êtes responsable, en tant que représentant de l’état.
L’émotion est trop forte et nous ne pouvons pas continuer comme si rien ne se passait. Nous ne siégerons pas à ce CSA académique. Mépris, mutilations et violences étant les seules réponses nous ne voulons conforter cette illusion de dialogue social et invitons les autres organisations syndicales à nous suivre.
Avant de quitter la salle, nous souhaitons connaître votre réponse quant au retrait de la sanction de notre camarade Denis Loubière.