ANALYSE DE LA PÉRIODE ET PERSPECTIVES
DES MOBILISATIONS HISTORIQUES
Cette période a tout d’abord été marquée par trois mois de lutte sans précédent, lutte historique par sa durée et son importance contre la réforme des retraites.
Cette mobilisation faisait suite à plus de un an de lutte des Gilets Jaunes qui avait montré le ras le bol global des politiques néolibérales du gouvernement Macron mais aussi des gouvernements précédents qui n’ont fait que paupériser les travailleur.se.s et réduire leurs acquis sociaux.
Cette lutte s’est accompagnée de luttes sectorielles : des urgentistes tout d’abord, mobilisé.e.s durant plus d’un an pour dénoncer les manques drastiques de moyens et la saturation des services et des personnels ; des pompiers ; des cheminots qui ont mené un combat dur et combatif contre la réforme de la SNCF un an tôt et qui ont été le fer de lance du mouvement contre les retraites ; Les personnels de l’Éducation nationale ne sont pas en reste non plus : Les enseignants du Premier degré se sont mobilisés l’an dernier contre la dite “école de la confiance” de Jean-Michel Blanquer, les professeur.e.s du Second degré s’étaient lancés, quant à eux, dans un boycott des examens, action presque inédite. Cette année, ils et elles se sont mobilisé.e.s pour dénoncer la réforme du Bac et les E3C utilisant des actions chocs (mur de manuels scolaires par exemple).
Toutes ces mobilisations se sont agrégées et condensées dans la mobilisation interprofessionnelle contre la réforme des retraites par points. Elles ont, parallèlement, connues une répression inédite, jamais vu depuis la répression des mouvements indépendantistes algériens durant la guerre d’Algérie. Des milliers d’arrestations, de GAV, de corps tuméfiés, mutilés…des milliers d’amendes, de rappel à la loi, de condamnations, de sanctions disciplinaires, d’emprisonnement, de vies gâchées, mais aussi des morts (comme Zineb Redouane, une grand-mère qui a eu le malheur de regarder par la fenêtre…).
Cette répression s’est aussi abattue sur l’Éducation nationale quand nos élèves ont eu l’outrecuidance de refuser des réformes Blanquer. Elle a aussi touché les enseignants qui se sont vus infliger des sanctions disciplinaires pour avoir refusé de corriger le BAC ou de s’être mobilisés contre la tenue des E3C.
Ce début d’année était “chaud” que ce soit dans notre pays ou dans de nombreux pays du monde (Liban, Chili, Algérie, Hong-Kong…). À ce paradigme de mobilisations, un élément imprévu est venu rompre les luttes : le Covid-19 !
ARRÊT BRUTAL DES MOBILISATIONS PAR LE CONFINEMENT !
Cette décision a été prise au nom de la santé publique mais c’est une décision sécuritaire et liberticide pour faire face à une pandémie jamais vue. Le gouvernement a opté pour la restriction de nos libertés pour faire face à cette maladie. Cette décision répond aux manques de moyens et au démantèlement de notre service public de santé.
Le gouvernement reste sur sa lancée et répond seulement par le profit et la répression : 135 euros d’amende pour ceux/celles qui ne respectent pas le confinement. Intimidations policières accrues sur tout le territoire et encore plus dans les quartiers populaires où l’impunité est la règle et où les violences peuvent aller jusqu’à la mort.
https://www.franceinter.fr/confinement-plusieurs-personnes-affirment-avoir-ete-brutalisees-et-insultees-lors-de-controles-de-police ou https://m.facebook.com/story.php?story_fbid=1099759837057279&id=691064507926816
Pendant que les travailleurs.ses. sont brutalisé.e.s, contrôlé.e.s…pour les plus pauvres c’est travail obligatoire ! Dans le département du 93, département le plus pauvre de France, le taux de mortalité explose (+63%). En cause, la précarité et le fait qu’ils et elles continuent à se rendre au travail. Non, Monsieur Lallement, les malades en soin intensifs ne sont pas ceux et celles qui ne respectent pas le confinement et les gestes barrière ! Ce sont nos ancien.ne.s, les personnels de santé et les travailleur.ses les plus précaires (les caissier.e.s comme Aïcha, les agents de sécurité comme Alain…). On n’oublie pas, on ne pardonne pas !
Réprimer plutôt que protéger : le gouvernement préfère l’action policière plutôt que de systématiser les tests de dépistage (recommandés par l’OMS) et de donner de véritables moyens aux hôpitaux…
À côté de cela, Airbus, Amazon, et d’autres multinationales continuent à fonctionner et à mettre en danger la santé de la population. Le BTP a été contraint de continuer son activité. Le marché très juteux des respirateurs médicaux est donné à un consortium de quatre multinationales (PSA, Air Liquide, Schneider Electric et Valeo) montrant, là encore que, les profits valent plus que nos vies et le bien commun.
Le gouvernement multiplie les effets d’annonce mais qui sont en réalité des cadeaux encore plus énormes aux multinationales. Il en appelle à l’effort national faisant la quête pour les hôpitaux auprès du peuple plutôt que de rétablir l’ISF par exemple. Il utilise cette situation pour légiférer la destruction de nos acquis sociaux : travail de 60h/semaine permis, obligation possible par l’employeur d’imposer les congés payés durant le confinement, maintien en détention de personnes non jugées sans passer par une décision d’un juge (inédit depuis 1793…).
Les médecins, les infirmier.es…ne cessent de dénoncer l’abandon de l’État et la mise en danger des patients comme des personnels. Aucun moyen en plus, rupture de médicaments qui s’amorce, manque de masques, de respirateurs médicaux…Et là encore, si les soignants osent dénoncer leurs conditions de travail, la répression s’abat. À l’hôpital d’Homont dans le Nord, une soignante a été sanctionnée pour avoir dans le cadre de son mandat syndical, exiger des masques et des tests de dépistage pour le personnel. Les soignants sont des héros et héroïnes seulement quand ils/elles ferment leur gueule !
Macron affirme que nous sommes en guerre, mais nous faisons la guerre sans armement : le gouvernement refuse de mettre notre économie au service de nos vies ainsi il refuse de nationaliser la seule usine fabriquant au niveau européen des bonbonnes d’oxygène à usage médical (LUXFER) par exemple. Ce gouvernement aura des morts sur les mains.
Cette pandémie montre que le libéralisme est néfaste socialement puisqu’il casse sur l’hôtel des profits tous les services publics et précarise toute la société.
Cette crise sanitaire montre aussi que le libéralisme est néfaste écologiquement. Elle met en exergue l’exploitation de notre planète par l’agroalimentaire qui pousse toujours plus loin la conquête de nouvelles terres agricoles au détriment des écosystèmes, des forêts vierges, de la biodiversité. Cette destruction touche les domaines de la nature et tout ce qui peut être vendu et source de profit, est exploité à outrance. Le pangolin est certes issu de coutumes locales africaines mais ce n’est pas cette utilisation qui pose problème mais bien son braconnage à outrance et son exportation à l’autre bout de la planète vers des écosystèmes non habitués à ces virus qui a conduit à cette pandémie. Si nous continuons ainsi, d’autres pandémies nous pendent au nez, faut-il rappeler la vache folle, la fièvre porcine, le H1N1, l’Anthrax …
Inversement, cette crise sanitaire démontre qu’écologiquement, notre planète est capable de se régénérer assez rapidement lorsque l’on réduit drastiquement notre impacte sur elle. Elle montre aussi que, finalement, notre société ne tient que par les travailleurs et travailleuses : les infirmier.e.s, les médecins, les caissier.e.s, les livreur.euse.s, les postier.e.s, les aides soignant.e.s, …. les professeur.e.s.
ET DANS L’ÉDUCATION NATIONALE…
Cette crise sanitaire sans précédent a un fort impact sur l’Éducation nationale et privée : avec un ministre, des recteurs, des inspecteurs/trices et des chef.fe.s d’établissements qui font du zèle, donnent des consignes contradictoires et qui mettent en danger les personnels.
La mise en marche forcée de la “continuité pédagogique” amène à des dérives importantes sur nos conditions de travail (vie privée/vie professionnelle, pressions, …). Ce travail encadré par peu de lois, pressurise les travailleurs.ses de l’EN.
Le ministre multiplie les vidéos Youtube pour “glorifier” notre travail et nous en demander toujours plus : continuité pédagogique, appels téléphoniques, soutien scolaire, lutte contre le décrochage scolaire, … bien sur sans moyens supplémentaires. Tous les personnels sont mis à contribution : profs, AESH, CPE, administratifs, agents techniques…
Ce ministre voit avec cette situation exceptionnelle un manière de modifier en profondeur les métiers de l’éducation nationale en leur imposant de nouvelles formes de travail (télétravail) et en leur assignant de nouvelles missions.
Le gouvernement nous méprise, les propos de Ndiaye sont symptomatiques. Il nous considère en vacances perpétuelles alors que cette période est une situation éprouvante pour les personnels qui innovent d’ingéniosité pour maintenir le lien avec les élèves. Les personnels de l’Éducation nationale redoublent d’efforts et donnent de leur personne mais aussi de leur poche (ordinateur, téléphone, connexion internet, logiciels … personnels). Ils/elles créent de nouveaux supports pédagogiques, qui ne remplaceront jamais le présentiel devant les élèves, notamment les plus fragiles, avec des outils de l’Éducation nationale inadaptés.
En plus de ce travail chronophage et s’immisçant dans la vie privée de manière constante, travail qui porte intrinsèquement ses limites et son lot d’inégalités, certain.e.s professionnels ont été volontaires pour accueillir les enfants des personnels soignants avec des moyens sanitaires fluctuants, se mettant ainsi en danger. Ce volontariat est certes tout à l’honneur des volontaires, mais vient s’ajouter à leur masse de travail et sans contrepartie.
Les grévistes de la contre réforme des retraites qui aujourd’hui ne comptent pas leurs heures pour assurer la continuité pédagogique, le lien avec les élèves et leurs familles et sont pour certain.e.s aussi volontaires, voient au même moment leurs salaires amputés des jours de grèves notamment avec l’application sans scrupule du décret Homont.
Personnels de l’Éducation nationale dénigrés, pressurés, … parallèlement les élèves eux sont sommés de travailler, de ne pas décrocher sans prendre en compte leurs difficultés diverses et le moment de confinement anxiogène voir même de deuil qu’ils et elles peuvent vivre. Les inégalités existantes dans nos classes sont exacerbées et l’annonce des examens en contrôle continu vient les renforcer encore un peu plus.
LE DÉCONFINEMENT À TOUT PRIX…
Le 13 avril lors de son allocution télévisée, Macron a annoncé la date du 11 Mai. Contre l’avis de tous les experts, il annonce l’ouverture progressive des crèches et des écoles.
Cette décision n’est rien d’autre qu’une décision économique. Patrick Bouet, président du Conseil national de l’ordre des médecins, estime dans un entretien au Figaro du 15 avril que cette décision d’ouverture n’est justifiée par “aucune donnée médicale”. “Déconfiner le milieu scolaire reviendrait à remettre le virus en circulation”, dit-il, pour les raisons qui avaient fait décider la fermeture des écoles avant même la décision de confinement de la population et qu’il convient de rappeler: “D’une part les enfants sont des vecteurs potentiels sans développer eux-mêmes l’infection, sauf à de rares exceptions; d’autre part parce qu’il est très difficile en milieu scolaire de faire respecter les gestes barrières”. Ainsi cette décision, met en danger les enfants, les personnels et toutes les familles.
Patrick Brouet conclut en préconisant de “se concentrer sur la préparation de la rentrée de septembre, plutôt que de s’organiser dans l’urgence pour les 5 semaines restantes”. Pourquoi faire prendre autant de risque pour seulement 5 semaines de cours ? Pour remédier aux inégalités scolaires selon les dires de Macron ? Si les inégalités scolaires étaient aussi importantes à combattre, notre président et notre ministre auraient dû s’y atteler avant plutôt que de détruire toujours un peu plus notre service public de l’éducation par des réformes réactionnaires qui ne font bien au contraire qu’accroître les inégalités.
L’INSERM (Institut national de la santé et de la recherche médicale) le 12 avril, dans une étude commune avec l’Institut Pierre Louis d’épidémiologique et de santé publique et Médecine Sorbonne Université, indiquaient que “le déconfinement doit être progressif tout en continuant à maintenir les écoles fermées”, et cela, afin d’éviter “une deuxième vague épidémique”.
Le gouvernement est donc irresponsable et ne répond qu’à des impératifs économiques quitte à mettre l’ensemble de la population en danger afin de renflouer toujours plus les caisses du CAC 40.
Pour remettre les parents au travail, il demande alors à l’école de servir de garderie pour le Medef.
Si déconfinement il doit y avoir, le gouvernement doit assurer la sécurité de tou.te.s en imposant des dépistages réguliers à toute la population, la mise en quarantaine des personnes infectées et fragiles en leur garantissant ravitaillement, salaire ou pensions et des soins. Le déconfinement ne peut se faire aussi que lorsqu’il y aura une baisse conséquente des malades et le désengorgement des services hospitaliers. Pour ce faire, le gouvernement doit abroger ses dernières réformes et investir massivement dans notre service public de la santé.
Le confinement n’étouffera pas notre colère ! Le jour d’après ne sera pas celui d’avant : un autre monde est à construire !
Malgré ce confinement, la colère sociale demeure et gonfle… l’inconscience de ce gouvernement qui préfère les profits plutôt que nos vies, le mépris que certain.e.s dirigeants et entrepreneurs.e.s affichent contre les travailleurs et travailleuses de ce pays qui mettent leurs vies en danger pour assurer le ravitaillement, les soins, l’instruction … et leurs politiques répressives, liberticides et anti-sociales… font que la colère s’accroît.
Nous ne laissons pas avoir par leur union sacrée mais œuvrons pour l’unité de tous les travailleurs et les travailleuses de ce pays contre ce système libéral qui crée lui-même les pandémies et les circonstances de notre exploitation. Nous ne pouvons pas revenir à la normal car le normal que nous avions était justement le problème !
Nous devons penser certes à l’échelle de notre pays mais ce système est mondial et nous impose une vision et des luttes mondiales. Nous devons agir localement mais penser mondialement. Nous devons réfléchir à une/ des autre(s) forme(s) de système(s) planétaire(s) où chaque peuple puisse vivre décemment, vivre avec ses traditions, ses croyances… sans qu’il y est une hiérarchisation des peuples entre peuples dit “développés” et d’autres qualifiés “moins ou sous-développés”.
Nous devons profiter de ce temps de confinement pour tisser des formes de solidarités et d’entraides au niveau individuel (relation avec autrui…) mais surtout au niveau étatique : garantir la solidarité entre les individus par le maintien d’un revenu minimum décent (1500€ net ) mais aussi maximum, un système de retraite équitable pour tou.te.s à 60 ans maximum, l’accession à un logement, l’accès à une alimentation saine et accessible à tou.te.s, l’accès aux soins pour tou.te.s… réfléchir à comment vivre ensemble dans les espaces donc repenser notre urbanisme.
Nous devons penser et imposer de nouvelles formes de consommations locales, respectant la nature, les animaux et les travailleurs.ses.
Nous devons aussi réfléchir et mettre en place de nouvelles et/ ou alternatives formes de travail où les travailleurs.ses prennent part aux décisions et à l’organisation du travail de leurs entreprises et dans les champs.
Nous devons réfléchir à une autre forme d’agriculture. Une agriculture paysanne respectant la nature et les travailleurs.ses. Une agriculture locale, respectant les saisons, et revenant à l’essentiel : nourrir les hommes et les femmes !
Ainsi, nous devons imposer une économie qui n’a pas le but de faire des profits mais qui veut le bien commun. La nationalisation ou la socialisation des moyens de productions indispensables et vitaux est plus que nécessaire : la pharmaceutique, l’énergie, l’agriculture, la santé, l’éducation… doivent immédiatement être enlevées des mains des intérêts privés.
Nous devons aussi réfléchir à notre démocratie notamment au niveau local avec l’impulsion de comités citoyens par quartier, village, …
N’attendons pas que les choses bougent d’elles même en espérant le grand soir. Il faut certes que l’on batte le pavé mais pas seulement. Nous devons rompre radicalement avec le libéralisme et pensez à d’autres mondes possibles !
Soutenons et soyons force de proposition au sein de la démarche impulsée par des associations et syndicats dont notre confédération est partie prenante. “Plus jamais ça : construisons le jour d’après !”
Cette démarche qui est qu’un début, devrait se multiplier à tous les secteurs de la société.
Nous devons donc penser à notre éducation et à quelle éducation nous voulons ! Les revendications de la CGT éduc’action sont un bon début pour y réfléchir et impulser une nouvelle vision de l’école.
So