Si la menace de l’extrême droite grandit en France, elle est malheureusement une réalité dans plusieurs pays notamment en Europe et dans le bassin méditerranéen. Nous connaissons les idées racistes, discriminatoires et inégalitaires de l’extrême droite. En revanche, la réalité de sa politique en matière d’éducation est assez peu souvent évoquée. Cette note a pour objectif de faire le bilan des politiques d’extrême droite en matière d’éducation à l’œuvre chez nos voisin·es.
En Italie, l’extrême droite est arrivée au pouvoir par les urnes en octobre 2022 via une coalition regroupant le parti Fratellia d’Italia (Frères d’Italie) de Giorgia Meloni et la Lega (la Ligue) de Matteo Salvini ; coalition à laquelle s’est joint l’ex-parti de droite conservatrice de Silvio Berlusconi, Forza Italia (En avant l’Italie).
Dès le début de ce mandat, le Ministère de l’Instruction (équivalent de notre Ministère de l’Éducation nationale) a été renommé « Ministère de l’Instruction et du Mérite ». Si, dans leur programme électoral, nous retrouvons l’ensemble des thématiques propres à l’extrême droite : haine de l’immigré·e, idéologie nationaliste, souverainisme économique…, la coalition avance également des propositions concernant l’éducation, l’enfance et la famille. Celles-ci visent à mettre l’école au service de deux vieilles et vieux allié·es de l’extrême droite : l’Église catholique et le patronat.
Le 7 août 2023, le ministère de l’instruction et du mérite a signé un protocole avec l’État-major de la marine militaire afin de permettre aux enseignant·es de bénéficier de l’expertise des militaires. Ainsi, le protocole précise que « la Marine s’engage à promouvoir la formation du personnel enseignant et administratif […] notamment grâce à l’apport d’experts externes pour l’acquisition de compétences spéciales ».
Depuis l’arrivée de Meloni, il ne passe pas une semaine en Italie sans que les élèves soient sollicité·es pour participer à des parades militaires, des levers de drapeau, à des hommages rendus aux héros de guerre. Les visites d’installations militaires sont légions, tout comme les stages auprès des forces armées ou des usines d’armement, les interventions de généraux et d’amiraux pour participer à des ateliers de lutte contre les « comportements déviants ».
Dans le même temps, les caméras de vidéo et les dispositifs électroniques de vérification d’identité se multiplient, les incursions des forces de l’ordre dans les enceintes scolaires deviennent monnaie courante, le ministre Giuseppe Valditara proposant même de dédier des forces de l’ordre à la protection exclusive de certains établissements (journal « il Messagero » du 6 février 2024).
Face à cette situation, un « observatoire contre la militarisation des écoles et des universités », a été créé début 2023 regroupant des militant·es associatif·ves, syndicaux·ales et politiques.
Fin décembre 2023, une sénatrice issue de Fratelli d’Italia déposait un projet de loi visant à réimposer les traditions religieuses dans les écoles du pays. L’objectif serait de « défendre les traditions chrétiennes » en remettant au goût du jour les crèches, les festivités de Noël et de Pâques dans les établissements scolaires publics.
Au-delà de la vieille marotte religieuse, une réforme de l’enseignement secondaire est en cours. La Lega souhaite voir le recrutement des enseignant·es se faire directement dans les entreprises et promouvoir les jobs d’été pour les étudiant·es afin qu’ils/elles intègrent le monde du travail le plus tôt possible.
« Nous devons ouvrir l’école au monde de l’entreprise ; leur connexion est fondamentale. Le système italien d’éducation et de formation doit s’habituer à être plus flexible pour intercepter les tendances du marché de l’emploi venant de différentes directions », a ajouté M. Borchia (eurodéputé de la Lega).
En parallèle, le gouvernement Meloni s’en prend aux familles homoparentales et à la communauté LGBTQIA+ via des procès civils qui remettent en cause les actes de naissance d’enfants sur lesquels figurent deux mères ou deux pères. Le but recherché est de resacraliser l’image de la famille nombreuse, hétérosexuelle dans toute la péninsule.
Avec leur parti au pouvoir, les nervis d’extrême droite ne sont pas en reste et ne se cachent plus pour faire le coup de poing.
À Florence, des lycéen·nes mobilisé·es devant leurs lycées ont été passé·es à tabac par des membres d’« Azione Studentesca » (Action étudiante) – organisation de jeunesse affiliée au parti de la première ministre Meloni.
Enfin, s’il n’est pas directement lié à la politique éducative de Meloni, le « decreto immigrazione » (décret Curato) réduit « l’accueil dans les dispositifs SAI (Système d’accueil et d’intégration) aux personnes ayant obtenu le statut de réfugié·e et non plus aussi aux demandeur·ses d’asile. Avec le SAI, les étranger·es bénéficiaient d’accès aux services sociaux, sanitaires et éducatifs comme des cours d’italien pour adultes ou d’intégration scolaire pour les mineur·es ».
Du côté syndical, la CGIL (Confederazione Générale Italiana del Lavoro) se mobilise actuellement contre le projet Calderoli d’ « autonomie différenciée » pour les régions italiennes.
Plusieurs présidents de régions, notamment celles déjà dirigées par l’extrême droite, souhaitent vouloir gérer le personnel scolaire comme cela est déjà le cas pour la santé.
Le secrétaire général de la CGIL Maurizio Landini a déclaré : « En fait, nous ne permettrons pas que la situation de profonde inégalité qui est déjà évidente dans les soins de santé se reproduise dans des écoles à autonomie différenciée. Il n’y a pas d’efficacité à creuser les écarts sur le territoire national. »
Le principal écueil pour le syndicalisme italien repose dans son lien intrinsèque avec le système politique du pays. La CGIL rencontre de vraies difficultés à impulser des mobilisations contre les politiques d’extrême droite (Meloni a d’ailleurs participé au dernier congrès de la CGIL ! ). L’histoire antifasciste de l’Italie s’organise également dans de très nombreux collectifs locaux mais dont le fonctionnement est très lié à « l’autonomie politique » et dont le manque de cadre au niveau national ne permet pas une lutte coordonnée sur tout le territoire.